Critiques de livres d'échecs
 
Le guide des échecs

Ouvrage de près de 1600 pages aux travers desquelles les auteurs Giffard et Biénabe passent en revue la technique, l'histoire du jeu et la composition échiquéenne.
Ce livre tente d'exposer dans les moindres détails le jeu d'échecs, voyons si il y réussit.

Tout d'abord, comme dans tout ouvrage général, les règles du jeu y sont bien sûr exposées avec en plus, ici, quelques conseils sur le choix de l'échiquier: couleurs des cases, proportions des pièces et notamment le fait que, pour un bon confort visuel, la hauteur d'une tour doit être égale à la longueur du côté d'une case.

Suit logiquement les parties miniatures qui montrent du doigt les gaffes faites par des joueurs de tous niveaux et que tout débutant se doit d'avoir rejoué, surtout que ces parties sont suffisamment commentées pour être exploitées à bon escient. Un sous-titre subtil genre "le déshabillage du roi" ou encore "un roque fragilisé" indique quel principe échiquéen a été transgressé.

Passé cette initiation on entre dans le vif du sujet avec le passage en revues de toutes les facettes techniques: tactique, finales, stratégie du milieu de partie et enfin ouvertures. Les auteurs s'appuient pour cela sur des parties de grands joueurs qu'ils commentent abondamment et avec brio. En somme, du classique, mais du classique vraiment bien étoffé!
Preuve en est la qualité du chapitre portant sur les ouvertures, ici celles-ci ne sont pas données naïvement comme dans certains livres, mais au contraire les auteurs prennent le temps de développer les idées qui se cachent derrière; tout joueur appréciera!

Les notes historiques sont bienvenues et apportent un gros plus à cette partie. Par exemple il est intéressant de connaître la popularité d'un système à telle époque et ceux qui l'ont adoptés, ainsi on apprend que la poussée du pion 1.b2-b4 a été dénommée ouverture de l'orang-outang par Tartacover car il voyait là une analogie avec un singe grimpant à un arbre!
En outre la liste des variantes étudiées est assez conséquente.

Le milieu de partie et sa stratégie, ou plan, est également bien étudié avec une insistance sur l'importance du squelette des pions.
Les auteurs formulent des conseils généraux en mentionnant aussi quelle ouverture peut aboutir avec telle défaut dans la structure de pion; Evidemment il est tout de même beaucoup moins complet qu'un livre comme L'art de jouer les pions, mais la complexité en est aussi toute autre, puisque le livre de Kmoch cible plutôt des joueurs confirmés.

En ce qui concerne la tactique, on trouve une dizaine de thèmes dont chacun est illustré par plusieurs exemples tirés de parties célèbres.

Voilà la première partie du livre est bouclée! Allez, laissez un peu vos neurones se reposer, on va maintenant oublier un peu le côté théorique pour se plonger dans la passionnante histoire du jeu.

Cette seconde partie commence logiquement par raconter comment d'Inde, le Chaturanga a gagné le Vieux Continent et comment ce jeu qui était à l'origine joué avec des dés est devenu le jeu d'échecs que nous connaissons. Evidemment on n'échappe pas à quelques anecdotes comme celle bien connue de "Sissa et les grains de blé".

Vient ensuite la partie sur les champions d'échecs et là on reste bouche bée devant le travail colossal des auteurs: Sur plus de 300 pages, ils nous content la vie des tous ces champions qui ont marqués de leurs empreintes le jeu d'échecs. Ca commence en 1736 avec le pionnier Philidor qui est le premier à attacher une importance aux pions: "ils sont l'âme des échecs" disait-il; On poursuit avec le café de la Régence, cercle d'échecs qui a vu passé les plus grands noms, et où s'est déroulé le match incroyable "La Bourdonnais-Mac Donnell" en... 85 parties et qui s'est soldé par le décès du joueur anglais!

Puis les auteurs enchaînent sur les règnes des premiers champions du monde: le calamiteux Steinitz, Lasker et sa superbe victoire en 1924 au tournoi de New York contre les jeunes prodiges Capablanca, Alekhine, Réti, Bogolioubov, Tartacover... excusez du peu!, l'invincible Capablanca qui ne perdit que 4 parties durant son règne sur une centaine jouée! -et qui proposa même de changer les règles tellement il était sûr que les échecs n'auraient bientôt plus aucun secret-, sans oublier Tartacover et sa fin de vie tragique.

Ensuite on passe évidemment à l'école soviétique et sa suprématie: Tal l'attaquant de tous les instants, Petrossian le champion des nulles... Suprématie heureusement contestée par le génie et excentrique américain Fischer, avec notamment le match de 1972 à Reykjavic qu'on ne se lasse de relire et qui nous fait regretter qu'il n'y ait plus de joueurs aussi charismatiques!

"The king" retiré des échecs, l'hégémonie soviétique reprend de plus belle avec entre autre le match Karpov-Kortchnoï.
Ici on rentre dans des histoires sordides de KGB, de kidnapping mais aussi des histoires extraordinaires de parapsychologie, de télépathie... tout est fait pour que le dissident Kortchnoï ne soit pas champion du monde en lieu et place de Karpov, et on est prit d'une grande sympathie lorsqu'en match de qualification il se bat avec sa rage pour défaire tour à tour Petrossian, Polougaievski et Spaskky, trois soviétiques qui ont alors l'ordre national de l'empêcher d'atteindre la finale contre Karpov.

Les auteurs terminent en beauté avec la confrontation des deux K: Kasparov-Karpov.
Si les matchs Karpov-Kortchnoï avaient déçus, les joueurs étant sans doute empruntés par l'atmosphère très électrique, ce match allait être tout autre. Comment ne pas être impressionné par la terrible remontée de Kasparov qui mené 5-0 et malmené dans ce qui aurait pu être la dernière partie du match, va réussir à résister, contre-attaquer et revenir à 5-3 avant que le match soit arrêté par l'autre protagoniste pour raisons médicales.
Les auteurs insistent aussi largement sur les superbes parties que les deux artistes ont donnés lieu.

Bref, 300 pages de pur bonheur!

A la suite de cet historique, et pour faire de ce livre encore plus une référence, on trouve une petite biographie de nombreux joueurs, quelques photographies, des détails sur le jeu à l'aveugle et les simultanées, un extrait de règlement de la FIDE avec de nombreuses informations sur les fins de partie (ex. limite des 50 coups repoussée à 75 coups dans certaines positions), le calcul du ELO, ainsi qu'une intéressante analyse des ordinateurs aux échecs.

Les échecs dans les arts ne sont pas oubliés (et j'en profite pour recommander la lecture du joueur d'échecs de Stefan Zweig).

Je n'analyserai pas la deuxième grosse partie du livre qui porte sur la composition échiquéenne mais sachez qu'elle est exhaustive: Mats en deux coups, trois et plus, échecs féeriques et là encore un historique et une biographie se rapportant aux problémistes.

En conclusion: Le sous-titre "Traité complet" qualifie bien le présent volume, c'est un livre que l'on doit avoir sous la main, toujours prêt à être ouvert lorsque l'on veut se perfectionner, mais aussi qui contient certaines parties que l'on peut dévorer en une traite; Bref, idéal comme livre de chevet.

Qui plus est, il est sans doute le meilleur ouvrage général écrit en français car en plus de l'abondance d'information qui révèle un travail de titan, le livre est très bien organisé: ainsi toutes les positions critiques sont illustrées par un diagramme, ce qui permet de tenter de trouver le coup joué sans avoir à refaire la partie; De plus il faut avouer que les auteurs Giffard et Biénabe ont un don pour la narration et les novices seront aux anges de pouvoir s'absorber aussi facilement!

Puisque rien n'est parfait, on regrettera juste le manque de photographies et d'illustrations, celles présentent nous laissant sur notre faim.

Donc vous l'aurez compris: ce livre est in-con-tour-nable!

 

Livres

150 tests d'échecs
L'art du combat aux échecs
Bréviaire des échecs
Comment jouer les fins de parties
Les coups de maître aux échecs
Le guide des échecs
Le guide marabout des échecs
Les idées cachées dans les ouvertures d'échecs
La perfection aux échecs
Les secrets des maitres d'échecs
Mon système I
Chess skill in man and machine

 
 

Copyright 2005 Civitarese Jonathan