La règle à calcul
 
 
Historique

La règle à calcul trouve son origine dans le calcul des logarithmes. En effet les logarithmes inventés par Neper en 1614, sont très vites devenus indispensables autant pour le calcul numérique, puisqu'ils permettent de transformer une multiplication en une addition et que la fonction log est interpolable, que pour l'analyse de phénomènes physiques ou chimiques; ainsi le noircissement d'une plaque photographique est donnée par la courbe de Schwarzchild qui dépend du logarithme du produit de l'intensité lumineuse transmise par la durée d'exposition (la fonction mathématique correspond à merveille avec de nombreux phénomènes naturels et veut dire en quelque sorte "plus le temps passe, plus le phénomène croit de moins en moins vite".).
Ainsi un moyen qui donnerait le log d'un nombre rapidement était nécessaire. Il y avait bien les tables de logarithmes mais elles étaient très pénibles à utiliser.


Exemple de tables logarithmiques
(ici log des nombres de 150 à 159)
Pour trouver par exemple log(154.2) , on commence par inscrire
le nombre 18 (intersection ligne 152 colonne 0), ensuite on prend
l'intersection entre la ligne 154 et la colonne 2, soit 808.
On obtient alors la partie décimale du nombre cherchée: 18808.
Il ne reste plus qu'à prendre comme partie entière le chiffre 2 puisque
log(154.2)=log(100*1.542)=log(100)+log(1.542) et que log(100)=2.
Donc log(154.2) donne 2.18808.

Alors Edmund Gunter, puis William Oughtred vers 1620 trouvèrent un moyen simple, en traçant des segments de longueurs proportionnels aux logarithmes des nombres et en faisant correspondre cette échelle avec l'échelle logarithmique on trouvait tout de suite le log des nombres. La règle logarithmique était née. Celle-ci fut fabriquée en de nombreux matériaux allant du bois à l'ivoire et de différentes formes.

Puis la règle évolua avec l'ajout d'échelles, on les classa alors en différents systèmes. Par exemple le système Rietz possède l'échelle des mantisses, les échelles trigonométriques, l'échelle des cubes, l'échelle des inverses et bien sûr l'échelle des logarithmes. Il existe également les systèmes Log-Log, Trilog, Hyperlog, Darmstadt...

Enfin avec la révolution industrielle de nombreux autres modèles spécifiques à certains domaines d'applications apparurent: règles pour les chimistes, pour les commerçants, pour les géomètres, pour les architectes... puis plus tard, règles pour les électroniciens et mécaniciens. Ces règles, parfois fort compliquées, demandaient bien évidemment pas mal de temps d'adaptation, pourtant le temps passé à comprendre toutes les subtilités n'était rien comparé au temps de conception qui pouvait atteindre plusieurs années.

Même si la règle à calcul est devenue presque obsolète aujourd'hui, remplacée bien évidemment par la calculatrice au début des années 1970, elle reste un formidable outil qu'il est bon de connaître.

 
Principe

Tout le fonctionnement repose sur des échelles que l'on fait coïncider. Ces échelles peuvent être simplement millimétriques mais aussi trigonométriques ou bien encore logarithmiques.
Voici le principe de base:
Nous voulons par exemple retrouver la table d'addition de 4; prenons alors deux échelles identiques numérotés, ensuite faisons coïncider le zéro de l'échelle B avec le 4 de l'échelle A.

Nous constatons qu'à la valeur 1 de l'échelle B correspond la valeur 5 de l'échelle A, qu'à la valeur 2 correspond 6 etc. Ainsi nous venons de faire très rapidement l'opération 4+1 puis 4+2...
On peut également faire l'opération inverse: pour faire 6-2 on fait correspondre le 6 de l'échelle A au 2 de l'échelle B puis on lit la valeur de l'échelle A en face du zéro de l'échelle B, soit 4.
Si cet instrument servait de simple boulier il n'aurait guère d'intérêt de nos jours.
Donc maintenant passons aux choses sérieuses, voyons voir comment se présente une règle à calcul:


Règle à calcul

Plus précisément voici l'échelle des logs (ou échelle des mantisses):

Et l'échelle de base:

Si l'échelle des logs est linéaire (les divisions sont équidistantes), celle de base est par contre logarithmique. Pourquoi donc?
Etudions rigoureusement comment Edmund Gunter a fabriqué sa règle à calcul:
Il a tout d'abord tracé une échelle linéaire de 0 à 1.
Ensuite il a calculé les logs des nombres entiers de 1 à 10. Il a alors fabriqué une deuxième échelle ou il a reporté les nombres entiers de 1 à 10 de façon à ce qu'ils correspondent avec leurs antilogs de la première échelle.
Par exemple pour placer 2, il calcule Log 2 soit 0.30 et positionne donc ce nombre en face de 0.3.

Grâce donc à cette disposition les mantisses des logs sont lisibles directement mais attention seulement les mantisses (çà se comprend facilement puisque l'échelle de base donne les logs compris entre 0 et 1) car ensuite il faudra ajouter la caractéristique du log (partie entière).
Une autre remarque très importante valable quel que soit le calcul effectué:
Une règle à calcul donne seulement la série de chiffre composant le résultat et c'est donc à chacun de placer mentalement la virgule. Mais avec un peu d'attention il n'y a presque aucun risque d'erreurs.

Par exemple, calculons log 12: On affiche 1.2 sur l'échelle de base avec le curseur. On lit alors sur l'échelle des mantisses 0.079. Donc la mantisse est 079. La caractéristique se calcule aisément car log 10=1 et donc log 12=1.079.

 
Multiplication

Plus haut on a montré l'exemple des échelles A et B que l'on fait correspondre pour additionner ou soustraire... et cette disposition logarithmique de l'échelle de base permet d'effectuer aussi simplement une multiplication ou division!
Il n'y a rien de magique là dedans puisque, rappelez vous, le logarithme transforme un produit en une somme.

Voici comment procéder. Tout d'abord les échelles qui servent sont les deux échelles de base du corps et de la réglette.
On fait correspondre le premier nombre à multiplier sur l'échelle du corps avec le chiffre 1 de la réglette. Ensuite on affiche le deuxième nombre sur la réglette avec le curseur. Alors il ne reste plus qu'à lire le nombre correspondant sur le corps de la règle sous le curseur.

Voici comment trouver le résultat de 2x3

Le pourquoi de la chose

Si nous cherchons le produit 5x3 le résultat se trouve hors des limites du corps de la règle. Pour y remédier on utilise un "déplacement" en affichant le premier nombre avec le 10 de la réglette, puis on affiche le deuxième nombre sur la réglette avec le curseur et on lit le résultat sur le corps de la règle sous le curseur. Ici on lit 1.5 qu'il faut évidement multiplier par 10 , ce qui donne 15.
 
Division
La méthode pour diviser n'est guère plus difficile, il faut d'abord afficher notre dividende sur le corps de la règle avec le curseur, ensuite on fait glisser la réglette jusqu'à ce que le diviseur soit sous le curseur. Alors on lit le résultat en face du 1 de la réglette.

La division 6/3

Même remarque que pour la multiplication, si le dividende est plus petit que le diviseur alors on lit le résultat en face du 10 de la réglette en oubliant pas évidemment, ensuite, de diviser par 10.

Avec la pratique le nombre de déplacements pourra être réduit. Par exemple calculez 4x3x7/6. Le résultat de 4x3x7 que l'on affichera pourra tout de suite être divisé par 6.
De plus c'est un outil analogique et puisqu'il est impossible de définir des graduations à l'infini (axiome d'Archimède) c'est avec l'habitude que l'on gagnera en précision sur le résultat final.

 
Autres échelles

Généralement les règles à calcul comprennent 100 subdivisions entre les chiffres 1 et 2 de l'échelle de base (mais cela varie selon la longueur de la règle). On obtient donc une précision de deux chiffres après la virgule.
Entre les intervalles de 2 à 3 et 3 à 4 les divisions sont au nombre de 50 soit une précision de deux centièmes.
Enfin entre les intervalles de 4 à 10 on a une précision de 0.05.

Pour la suite il faut vérifier que les deux échelles de base coïncident parfaitement.
L'échelle des carrés donne tout de suite le carré d'un nombre de l'échelle de base par simple lecture sous le trait du curseur. Bien sûr l'échelle est moins fine puisqu'elle va de 1 à 100 et on perd donc en précision.
Pour calculer la racine carrée on inverse l'utilisation des deux échelles.

L'échelle des inverses (souvent de couleur rouge) va de 10 à 1. Ainsi pour connaître l'inverse de 4, on amène le curseur sur le 4 de l'échelle de base et on lit le premier chiffre à droite du curseur sur l'échelle des inverses, soit 2 (et non 3), ensuite on obtient normalement les autres chiffres, soit 5, ce qui donne 2.5 que l'on divise par 10.

Passons maintenant aux échelles trigonométriques.

 
Echelles trigonométriques

Tout d'abord selon le type de règle, la méthode de calcul des sinus et tangentes varie. Ainsi pour les règles à calcul simples (mais trigonométriques) il est nécessaire de retourner la réglette en prenant bien soin de faire coïncider les origines des échelles de base et trigonométriques. Ensuite il suffit de lire à l'aide du curseur la valeur du sinus pris sur l'échelle S, sur l'échelle de base - Attention les échelles trigonométriques sont toujours en degrés -.
Par exemple pour calculer sin 45, on se positionne avec le curseur sur la valeur 45 de l'échelle S. Et on lit le résultat sous le curseur sur l'échelle de base. Soit 7.07 qu'on divise par 10. La méthode est identique pour trouver la tangente d'un angle.
Le problème, vous l'aurez compris, c'est que pour une longue série d'opérations on perd pas mal de temps à interchanger la réglette.

Ainsi les règles Rietz permettent de résoudre ce problème en possédant des échancrures au dos de la règle:

Une à droite qui servira pour calculer les sinus et sinus-tangentes et une autre à gauche qui servira à calculer les tangentes. De plus chaque échancrure dispose d'un fin trait.
Donc voilà comment on procède: Pour trouver la tangente d'un angle, on fait glisser la réglette jusqu'à ce que la valeur de l'angle soit en coïncidence avec le trait fin de l'échancrure gauche (donc au dos de la règle). Alors ensuite on retourne la règle à calcul et on lit la valeur sur l'échelle de base de la réglette, cette valeur étant en face du trait initial (le 1 donc) de l'échelle de base du corps de la règle.

On affiche l'angle dans l'échancrure...

...et on lit la valeur sur l'autre face de la règle

Par exemple si on a à calculer tan 15 alors on fait correspondre la valeur 15 avec le trait de l'échancrure gauche.
Et ensuite on lit la valeur sur l'échelle de base de la réglette en face du 1 de l'échelle de base du corps. On lit 2.68 qu'on divise par 10.
Le sinus se calcule de façon semblable sauf qu'on utilise l'échancrure de droite et qu'on lit la valeur en face du trait final de l'échelle de base du corps, c'est à dire en face du 10.

Un autre avantage des règles Rietz est qu'elles possèdent une troisième échelle trigonométrique: celle des Sinus & Tangentes. Elle permet le calcul des sinus des petits angles (inférieur à 5°42'38''). Et puisqu'à ces valeurs on peut assimiler la tangente au sinus, en trouvant le sinus de l'angle on trouve donc également la tangente de l'angle (d'où le nom de l'échelle).
La méthode est exactement la même que pour le calcul du sinus. Sauf qu'il faudra diviser le résultat obtenu par dix.

 
Pour finir

Vous aurez remarqué que le curseur comprend en fait trois traits.
L'espace entre les traits est choisie de telle sorte qu'on puisse immédiatement calculer la surface d'un cercle de rayon R.
Pour cela, on place le trait de droite du curseur sur la valeur 2.R de l'échelle de base du corps et on lit la surface sur l'échelle des carrés sous le trait du milieu du curseur.
Et inversement on peut calculer immédiatement la valeur du rayon d'un cercle dont on connaît sa surface.

Il existe de nombreuses autres subtilités et astuces pour calculer plus rapidement... A vous de les découvrir!

Une partie d'une règle à calcul qui comprend de gauche à droite:

Il n'y a donc pas besoin ici de retourner la règle pour calculer des sinus ou tangentes.
 
 

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